Le gouvernement britannique vient de publier un premier bilan de la mise en œuvre du National security & investment act 2021, qui couvre dans les faits trois mois d’existence, la réglementation étant entrée en vigueur le 4 janvier dernier. Si le dispositif se veut prévisible et transparent, il est – selon les dires du Secrétaire d’Etat aux Affaires- exclusivement voué à protéger la sécurité nationale et n’obéirait à aucun motif économique ou politique… (le concept de « sécurité nationale » n’étant volontairement pas défini dans la loi, une grande flexibilité est permise). Les éléments de langage utilisés par Kwasi Kwarteng ne manquent d’ailleurs jamais de préciser que le Royaume-Uni reste un pays résolument ouvert aux investissements étrangers.

Les chiffres qui sont fournis dans ce rapport font état de 222 notifications sur cette période et de 17 opérations ayant nécessité une investigation plus poussée. Ces données sont légèrement inférieures aux estimations qui avaient été préalablement établies mais pourraient refléter la situation Covid qui a freiné les M&A. Sur les 17 opérations examinées, 3 ont bénéficié de l’aval des autorités après examen et 14 étaient en cours à l’heure du bouclage du rapport.

Au cours des derniers mois, plusieurs rachats ont déclenché des enquêtes de sécurité :

  • Newport Wafer Fab (semiconducteurs de 3ème génération) par Nexperia (filiale du groupe chinois Wingtech). L’enquête, fortement encouragée par les Etats-Unis, est toujours en cours. L’entreprise pourrait d’ailleurs être rachetée par un groupe américain, selon plusieurs sources. Le Wall Street Journal, qui atteste également de pressions américaines pour revenir sur cette opération, avance pour sa part que Washington encouragerait les Britanniques à se réapproprier NWF. Cette réappropriation pourrait contribuer à transformer le Royaume-Uni en un hub stratégique de fabrication de semi-conducteurs cruciaux pour les véhicules électriques, selon le journal.
  • Perpetuus (graphène) par Shanghai Kington Technology, Taurus International et le Dr Zhongfu Zhou. Ce rachat a été abandonné par les acquéreurs après l’annonce d’une enquête de sécurité approfondie. Une première évaluation de l’opération par les autorités de régulation de la concurrence avait donné lieu à un verdict positif mais le graphène est une technologie sensible et le National Graphene Institute, associé à l’Université de Manchester a lui-même suscité l’appétit chinois dans les années 2013-2014. Il est en outre apparu que le Dr Zhongfu Zhou, parallèlement à ses activités au sein de Perpetuus, exerçait des fonctions de direction au sein de l’Inner Mongolia Industrial Research Institute for Composite Materials, basé au nord de la Chine et que Taurus International ne semblait être qu’une boîte à lettres.
  • la montée d’Altice (de 12,1 % à 18 %) au capital de BT, une opération effectuée en décembre dernier et qui en fait le premier actionnaire.

Le Royaume-Uni, dont les entités technologiques ont fait l’objet d’un certain nombre de prédations – chinoises, en particulier- est en train de se doter d’un corpus réglementaire, le National Security Bill, qui a vocation à encadrer et à punir plus sévèrement les manœuvres hostiles perpétrées par des Etats étrangers. Le texte, actuellement en discussion, entend remplacer les lois de contre-espionnage, en vigueur depuis la 1ère guerre mondiale, en criminalisant davantage l’espionnage, le sabotage ourdi par des acteurs étrangers, la divulgation d’informations protégées et de secrets d’affaires à une puissance étrangère. Il prévoit également la création d’un registre d’intérêts destiné à identifier les entités oeuvrant pour l’étranger, à l’instar des Etats-Unis et de l’Australie.

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